A l’heure des « crises de confiance » généralisées (institutions, médias, système bancaire, …), la Blockchain apporte une réponse nouvelle à la question fondamentale de la confiance en garantissant sécurité et transparence de l’information sans recourir à une autorité ou à un tiers.
La confiance, pierre angulaire des transactions
Pour comprendre la Blockchain et son intérêt, il faut au préalable comprendre le rôle primordial de la confiance. La confiance est en effet au fondement des relations d’échange que ce soit entre particuliers ou professionnels et fait partie intégrante de toute transaction entre deux ou plusieurs parties prenantes. Généralement au sein d’un réseau d’acteurs qui ne se connaissent pas, cette confiance est rendue possible par des intermédiaires qui officient comme « tiers de confiance ». C’est historiquement le rôle des banques que de garantir la validité des transactions entre deux parties ou encore des notaires qui garantissent l’authenticité des actes.
La confiance résulte d’un ensemble de déterminants : la sécurité et la réputation. Habituellement, dans les systèmes centralisés, la sécurité est assurée par l’authentification des parties prenantes; la réputation est elle assurée par des mécanismes de feedback, un système de crédit fondé sur la recommandation des membres de la communauté à l’image des plateformes d’e-commerce qui font des systèmes de feedback un vecteur de confiance sur leur réseau.
Les géants du e-commerce tels qu’Amazon ou eBay ont développé ces dernières années de véritables « stratégies de confiance » tant l’enjeu est grand d’assurer aux clients sécurité, transparence et confiance dans le service. En l’occurrence, ici l’intermédiaire se matérialise sous la forme d’une plate-forme digitale de services et l’intermédiaire se rémunère en tant que tel (tout comme la banque ou le notaire). Avec le développement des réseaux sociaux, la réputation est devenue un actif en soi et un marché, et peut influer (à la hausse ou à la baisse) sur les revenus des entreprises. Et c’est là aussi une des caractéristiques de la confiance : la confiance a un prix et la confiance a de la valeur.
Avec la mondialisation des échanges et le volume croissant des transactions, le recours à des tiers de confiance est devenu plus coûteux tout comme il est devenu plus long et moins efficace en raison de la difficulté à tracer la chaîne complexe des opérations et des différents intervenants dans les circuits logistiques et financiers modernes. Ce système a par ailleurs démontré ses limites comme lors de la crise financière de 2008 où paradoxalement ce sont les tiers de « confiance » (banques, agences de notation..) qui n’inspiraient plus confiance. C’est d’ailleurs à cette période qu’est né le Bitcoin (première manifestation grand public de la Blockchain) en réaction à cette perte de confiance généralisée envers un système basé sur des intermédiaires « faillibles ».
Blockchain : Une technologie garante de la confiance entre pairs
A la différence des systèmes centralisés, conçus autour d’intermédiaires, la Blockchain crée une nouvelle base pour la confiance assurant sécurité et transparence des transactions de façon désintermédiée. La confiance ne naît pas de la relation entre les parties ou par l’entremise d’une tierce personne mais de la technologie Blockchain elle-même qui permet l’enregistrement sécurisé et partagé d’informations de valeur qui peuvent être consultées par les membres du réseau et dont les modifications ou nouvelles entrées sont validées et enregistrées à travers un « protocole de consensus » qui en garantit la validité. Cela permet par exemple de confirmer l’identité d’une personne, la propriété d’un bien ou encore l’authenticité d’un document ou d’un contrat.
Les transactions enregistrées sur la Blockchain sont hautement cryptées dans un « bloc » qui s’étend à mesure des nouvelles transactions pour former une « chaîne de blocs » (traduction littérale de la « Blockchain »). Il y a d’innombrables copies de la chaîne de blocs, chaque membre du réseau (ou « pair ») ayant sa propre copie dans une logique de décentralisation. L’imbrication technique des blocs garantit que l’information reste fiable et sa distribution à tout le réseau que le contenu peut être consulté et contrôlé à tout instant. Ainsi, si une modification est saisie dans un bloc, tous les ordinateurs du réseau vérifient la chaîne de blocs pour certifier que la transaction est valide. En combinant cryptage des informations, chaînage sous la forme de bloc et décentralisation, ce système assure un niveau de sécurité maximal et fait de la « confiance » un attribut pouvant être « encapsulé » dans chaque transaction.
Vers une nouvelle économie basée sur la confiance
En supprimant les intermédiaires (financier, institutionnel…) dans le cadre d’une relation contractuelle, la technologie blockchain redessine les rapports commerciaux et ouvre la voie à de nouvelles configurations de marché. Cette nouvelle économie représente un remarquable transfert de pouvoir vers l’écosystème tout entier puisque ce n’est plus une autorité qui en régit les rapports mais bien le réseau d’acteurs qui se dote d’une gouvernance pour réguler ses interactions, dans une logique d’auto-gestion.
Il reste toutefois possible via la Blockchain de privatiser des relations d’échange en partageant de manière sélective des informations avec seulement quelques acteurs sans rendre publiques ces transactions (c’est par exemple ce que permet un « canal » dans une Blockchain telle qu’Hyperledger). Certaines blockchains se constituent parfois même à l’initiative et au profit d’un acteur, généralement leader de marché et avec un poids suffisant pour onboarder tout son écosystème (c’est par exemple le cas de Carrefour pour tracer la chaîne alimentaire des produits). Toutefois, l’un des apports majeurs de la Blockchain dans la définition d’une stratégie de marché, c’est bien un changement de paradigme dans la manière de se positionner au sein de son écosystème. Des consortiums d’entreprises peuvent se créer autour d’une charte de gouvernance pour collaborer plus efficacement et générer de la valeur partagée. Ainsi « MOBI », consortium composé des grands industriels de l’automobile, concurrents d’ordinaire et qui se sont associés pour développer de nouveaux services automobiles à travers la Blockchain (supply chain, moyens de paiement, données des véhicules connectés…).
En assurant la confiance, la Blockchain favorise la collaboration tout en préservant l’indépendance des organisations. Elle annonce le monde de demain qui est celui de l’écosystème ouvert où compétition et coopération sont les deux facettes d’une même stratégie de valeur pour l’entreprise.
Fazil BOUCHERIT