Cette interview d’Arnaud Malardé, Senior Product Marketing Manager d’Ivalua est consacrée à l’étude menée par Axys Consultants et Ivalua auprès d’une centaine de CPO et d’acheteurs sur l’intelligence artificielle et les achats.
Arnaud, avant de rentrer dans le vif du sujet et pour les auditeurs qui ne te connaissent pas encore, te serait-il possible de te présenter et de nous parler de ton activité au sein d’Ivalua ?
Je travaille au sein du département Marketing Produit d’Ivalua où je collabore avec nos équipes R&D pour insuffler de l’innovation à notre roadmap. Je puise à la fois dans mes 10 années d’expérience passées aux Achats mais aussi dans les retours que nous fait le marché, clients ou prospects. Ivalua : c’est la seule solution e-achats complète reconnu leader sur tous les segments Source to Pay et ce par tous les analystes du marché (Gartner, SpendMatters, Forrester).
Cette étude fait ressortir une forte appétence des directions achats pour l’intelligence artificielle, est-ce que c’est également une tendance que vous percevez chez vos clients et quelles sont leurs attentes en matière d’intelligence artificielle ?
Les attentes fortes quant à l’intelligence artificielle viennent de ce que ce terme générique recouvre beaucoup de concepts très différents autour de la capacité d’une machine à imiter des comportements cognitifs attribués à l’humain. Cela englobe des technologies comme le machine learning qui se base sur des algorithmes d’apprentissage automatisé à partir de données, sans programmation explicite. C’est ce qui est utilisé pour la reconnaissance faciale des photos par exemple.
On parle d’apprentissage profond ou deep learning lorsque l’on utilise la technique des couches multiples de neurones. C’est ce qu’on peut voir dans les traducteurs en ligne. Et enfin, il y a le traitement du langage naturel pour améliorer l’interface homme machine. Nos clients viennent nous voir avec des problématiques métiers. Nous les traitons avec tous les outils et toutes les technologies à notre disposition. L’intelligence artificielle en fait partie mais n’est pas aujourd’hui le seul levier pour répondre aux attentes immédiates des clients.
Dans le cadre de l’étude que nous avons menée, 69% des personnes interrogées disent ne pas être suffisamment informées des apports de l’IA dans leur fonction, est-ce que c’est quelque chose que vous avez également perçu auprès de vos clients ?
En effet, il y a un manque de connaissance de ce qu’est l’intelligence artificielle et donc de ce qu’elle peut offrir comme avantage métier. Les usages métiers se découvrent progressivement. C’est comme si vous aviez demandé lors de la popularisation du smartphone en 2007, quels sont les usages futurs : qui aurait imaginé l’essor de l’économie de partage et des propositions de services basés sur la géolocalisation ? Nous, Ivalua, constituons un pont entre la technologie et les besoins métiers de nos clients pour déterminer les meilleurs usages pour les Achats.
33% des CPO et acheteurs interrogés jugent qu’ils sont en retard par rapport à leurs concurrents, est-ce réellement le cas ?
C’est un sentiment paradoxal. 33% des directeurs achats se sentent en retard sur l’adoption de cette technologie. En revanche, seulement 4% d’entre eux se sentent en retard sur le critère de la maturité achats selon une étude de Forrester de l’an dernier. La maturité achat me semble une grille d’évaluation plus pertinente que celle de l’adoption d’une technologie qui, in fine, n’est qu’un moyen pour atteindre un objectif, achats en l’occurrence. Mais une rupture technologique est un bon catalyseur d’évolution des pratiques achats.
Cette étude montre qu’il existe un véritable consensus sur l’utilité de l’IA dans le domaine des achats, est-ce qu’à contrario, certaines directions achats vous font part de craintes ou d’impacts négatifs et comment les traitez-vous ?
Les Directions Achats nous parlent davantage d’automatisation de leurs processus que d’intelligence artificielle. Nous pouvons pourtant relever des craintes liées à la méconnaissance de l’IA que vous mentionniez au début de cet entretien :
- la mauvaise compréhension ou interprétation des résultats produits par une intelligence artificielle
- la perte de contrôle sur les processus et les données ainsi automatisés et à plus long terme, la menace pour l’emploi
Nous répondons à ces craintes par de l’éducation et de la transparence sur la technologie. Nous expliquons ce que peut réellement la technologie aujourd’hui et nous assurons que la méthodologie pour obtenir un résultat est comprise. Nous voulons éviter l’effet « boîte noire» qui peut souvent être reproché aux outils basés sur de l’IA.
Dans le cadre de la digitalisation de la fonction achats, quelles sont aujourd’hui les technologies qui sont les plus plébiscitées par les directions achats ?
Aujourd’hui, il y a des attentes sur l’automatisation des processus métiers et les technologies que nous entendons sont les mêmes qui ressortent dans votre étude.
Les CPO et acheteurs que nous avons interrogé dans le cadre de cette étude considère le Big Data, la RPA et l’IA comme des technologies très utiles pour les directions achats, est-ce que cela te paraît en phase avec la réalité ?
Ce sont des technologies dont l’utilisation et la demande dépendent de la maturité de la direction Achats considérée. En effet, tout le monde est confronté à l’accroissement de la masse de données disponibles. Les directions Achats les moins matures ont souvent des systèmes d’information multiples, fractionnés et compartimentés. Elles trouvent dans la RPA un allié qui permet des gains marginaux de productivité.
En revanche, les directions plus matures qui ont automatisé l’ensemble de leur processus sur une plateforme unique voient peu d’intérêt dans cette technologie car leur donnée est plus homogène et leur productivité bien meilleure. Enfin, l’IA dont nous parlons aujourd’hui, est encore l’apanage de quelques organisations et quelques processus comme nous le voyons dans l’étude.
Les CPO et acheteurs que nous avons interrogés nous ont fait ressortir 3 grandes motivations à l’intégration de l’IA :
- La première concerne l’amélioration de la qualité des données ;
- La deuxième est relative à la capacité de l’IA à générer de la productivité ;
- La troisième vise à prévenir les risques et à améliorer la connaissance fournisseurs.
Êtes-vous en phase avec ces motivations chez Ivalua et comment y répondez-vous ?
Nous constatons aussi les mêmes demandes. Il est assez paradoxal de constater que l’on demande à l’IA d’améliorer la qualité de la donnée alors qu’un bon modèle d’IA se base justement sur de la donnée propre et pertinente. Partant de ce constat, nous avons néanmoins développé des usages qui vont dans le sens d’une fiabilisation de la donnée, par exemple avec un moteur de déduplication des fournisseurs qui s’appuie sur de l’IA. Il permet d’identifier à la création d’un fournisseur dans la base s’il existe déjà, mais aussi de dire avec certitude qu’il n’existe pas. Notre moteur basé sur l’IA va plus loin que la simple comparaison traditionnelle de quelques données comme le nom ou le numéro de SIRET.
Sur ce sujet de la donnée qui est central aujourd’hui, la valeur des plateformes comme la nôtre, c’est de générer de la donnée propre d’un bout à l’autre du processus. Cumuler plusieurs solutions qui seraient dites « best of breed » sur leur segment crée de l’hétérogénéité dans la donnée qui sera in fine plus difficile à réconcilier et analyser. Nous sommes entrés dans l’ère de la donnée, dans l’économie de l’information. Les plus grandes capitalisations boursières d’aujourd’hui ne sont plus les compagnies pétrolières ; ce sont des géants américains ou chinois assis sur un empire de données.
Lorsque dans le cadre de l’étude, nous avons demandé aux CPO et acheteurs interrogés quelles étaient selon eux les principales solutions qui leur semblaient intéressantes et susceptibles d’être déployées dans les 18 prochains mois, ils nous ont cité :
- L’analyse prédictive de la gestion des risques ;
- L’analyse et la génération automatisée de documents ;
- Un moteur de catégorisation des dépenses ;
- Un moteur de recherche sémantique d’informations relatives aux fournisseurs et aux articles.
Aussi, est-ce que l’offre d’Ivalua permet de répondre à ces différentes attentes ?
Nous travaillons sur des sujets qui permettent de répondre à ces préoccupations.
Tout d’abord, nous sommes en train de développer un moteur de classification des clauses des contrats qui permettra d’évaluer le risque contractuel. Il s’agit de pouvoir extraire les clauses, leurs données (comme les montants, les dates, les entités juridiques) et de les classer selon les obligations qui incombent à la partie Achat ou à la partie fournisseur.
Cela permettra assez vite de savoir si un contrat est équilibré et de prédire s’il présente des risques pour l’une des parties.
Pour ce qui est de la catégorisation des dépenses, c’est aussi un chantier que nous avons entamé. Le défi qui est posé ici, c’est la diversité des classements et des nomenclatures de familles achats d’une entreprise à une autre. Vous avez des noms comme « contrat de location longue durée », « location de voiture », « leasing » pour une même catégorie. La sous-famille des services informatiques appartient-elle à la famille IT ou Profession Intellectuelle ? Nous avons décidé d’adopter la cartographie UNSPSC, qui est un standard du marché, comme clef de voûte à laquelle nous allons rattacher toutes les dénominations particulières à chaque organisation.
Enfin, pour la génération de documents ou la recherche sémantique d’articles ou de services, nous avons créé un Assistant Virtuel, IVA, dont nous continuons à développer les capacités. Aujourd’hui, elle permet déjà à un utilisateur d’exprimer un besoin en langage naturel qui aboutit à une commande ou à une analyse de la dépense. Nous sommes donc tout à fait alignés avec les priorités qui ressortent de votre étude pour les 18 mois à venir.
59% des organisations que nous avons interrogées déclarent avoir mené ou mener une réflexion sur l’IA, est-ce également ce que vous constatez sur le terrain ?
Ce que nous constatons, ce sont des demandes métiers, comme l’optimisation des coûts, l’amélioration de l’efficacité des processus. Nous échangeons avec nos clients sur les moyens d’y parvenir et le potentiel de l’IA est intéressant dans certains cas.
Pour plus de 50% des CPO et acheteurs que nous avons sollicités, l’absence de retours d’expériences probants, le manque de compétences IA au sein de l’entreprise et la résistance au changement des salariés sont perçus comme des obstacles à l’implémentation d’une solution IA. Quelle appréciation de ce phénomène avez-vous chez Ivalua et comment rassurez-vous les directions achats qui ont du mal à se lancer ?
Nous préférons communiquer sur les résultats obtenus (50% de doublons en moins dans la base fournisseurs, 95% des factures traitées de façon automatique) par le client. Bien sûr, nous expliquons à nos clients la méthodologie mise en œuvre et lorsque l’IA intervient, nous entrons dans le détail du fonctionnement du modèle pour éviter l’effet boîte noire mentionné plus tôt.
Parmi l’ensemble des solutions IA que vous déployez actuellement chez vos clients, quelles sont celles qui apportent le plus de satisfaction aux directions achats que vous rencontrez ?
Nous intégrons de l’intelligence artificielle dans trois cas métiers déployés chez nos clients :
- la déduplication de fournisseurs comme j’en ai parlé précédemment, est très appréciée de nos clients qui obtiennent une base fournisseurs plus robuste.
- la saisie automatique de données à partir d’une image de facture (Invoice Data Capture) fait gagner un temps considérable aux équipes de comptabilité fournisseurs
- la recherche avancée de produits ou de services dans un catalogue achats qui permet de donner des résultats pertinents même si l’utilisateur ne tape pas le bon mot clef. Par exemple, si vous orthographiez mal « ordinateur », vous obtiendrez quand même des résultats pertinents. Si vous utilisez un mot-clef approchant comme « portable » vous aurez un ordinateur portable plutôt qu’un téléphone car cela correspond à vos achats habituels.
L’expérience utilisateur est ce que plébiscite avant tout nos clients dans notre solution et cette puissance de recherche en est l’atout numéro un.
Interview issue de notre dernière étude : L’acheteur augmenté : comment l’iA façonne l’avenir de la fonction Achats ?