Achats et IA : association gagnante ou alliance forcée ?

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État des lieux de la fonction achat

Selon la quatrième édition du baromètre annuel publié par le CNA en 2024 en collaboration avec Esker et Axys, deux tendances majeures se dégagent dans la transformation digitale des directions achats. Près de 50% des directions achats planifient un projet de digitalisation dans les 12 prochains mois, principalement sous la pression réglementaire, comme la réforme de la facturation électronique, les exigences ESG, la CSRD etc. Dans le même temps, les budgets sont en recul, avec moins d’un décideur sur cinq estimant ses ressources suffisantes. De plus, 39% des répondants n’ont pas de projet immédiat, freinés par un manque de ressources ou une dette technologique. « Pour rester compétitives et éviter le syndrome Kodak, les directions achats doivent accélérer leur transformation digitale au risque de perdre la maîtrise face à leurs concurrents, fournisseurs et futurs collaborateurs », souligne Fabienne VOISIN LECUYER, Directrice Achats.

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle (IA) est vue comme un allié clé pour gérer les risques, s’adapter aux fluctuations du marché et exploiter les opportunités croissantes. Pourtant, 80% des décideurs jugent crucial de maîtriser cette technologie. La plupart des directions achats se considèrent encore novices en IA générative, avec des usages très basiques. L’IA générative reste un défi, exigeant une adoption méthodique et responsable.

Comprendre l’intelligence artificielle

Selon Frédéric FERRY, Sales Manager chez Esker, l’IA est un domaine de l’informatique visant à créer des machines capables de simuler des processus cognitifs humains tel que l’apprentissage, la résolution de problèmes, la reconnaissance de motif et la prise de décision. Dans un souci d’éco-responsabilité, la notion d’IA responsable est apparue en 2018-2019. Elle établit des lignes directrices éthiques pour garantir des systèmes d’IA transparents, explicables et permettant aux humains de prendre des décisions éclairées. Ces systèmes doivent éviter les préjugés injustes, être accessibles à tous, favoriser la diversité et être résilients, sûrs et fiables. Ils doivent également respecter l’environnement et la vie privée, avec des mécanismes de gouvernance des données adéquats. L’Union Européenne a introduit l’IA Act en 2024 pour encadrer l’utilisation de l’IA, en imposant des exigences strictes pour les systèmes à haut risque et en interdisant ceux présentant un risque inacceptable. L’objectif est de promouvoir une innovation responsable tout en protégeant les droits fondamentaux des citoyens.

Les enjeux des directions achats

Aujourd’hui, les directions achats doivent répondre à plusieurs enjeux :

  1. Piloter la performance globale : positionner les achats comme copilote de la performance globale des entreprises.
  2. Sécuriser les approvisionnements : répondre aux exigences RSE et réglementaires, en assurant la traçabilité et la conformité des fournisseurs.
  3. Renforcer la relation fournisseur et l’innovation : maintenir des relations solides avec les fournisseurs et encourager l’innovation.
  4. Attirer, former et fidéliser les talents : développer les compétences sur les outils digitaux, notamment l’IA, et valoriser la fonction achat en tant qu’acteur stratégique dans les entreprises.

En effet, l’augmentation des périmètres d’intervention des directions achats implique de plus en plus de suivi et d’analyse des données. Selon Arnault SCALABRE, Associé au sein du cabinet Axys, l’IA, sous toutes ses formes, peut rendre la fonction achat plus performante face à ces enjeux. Elle est un levier de performance surtout pour les acheteurs :

  • Gain de productivité et qualité : l’IA révolutionne les décisions dans les achats grâce à une analyse rapide des données, permettant des choix stratégiques et informés. Elle optimise les processus, réduit les erreurs humaines et améliore le suivi des achats via des tableaux de bord automatisés.
  • Amélioration de la collaboration et de la communication : l’IA facilite les échanges d’information, rend les processus plus transparents et optimise la gestion de la relation fournisseurs, renforçant ainsi la coordination interne et les partenariats externes.
  • Aide à la prise de décision & réduction des coûts : l’IA apporte une analyse approfondie des données, réduisant l’incertitude et proposant des recommandations optimisées. Elle permet une prise de décision plus rapide et éclairée, tout en réduisant les coûts.
  • Missions à plus forte valeur ajoutée : l’IA libère du temps pour se concentrer sur des missions stratégiques comme la relation fournisseurs, l’innovation et la RSE, améliorant ainsi la performance des achats et les plaçant dans un rôle plus stratégique au sein de l’entreprise.

Les nouveaux défis pour les Directions Achats face à l’IA

L’arrivée de l’IA aidera à améliorer la performance mais elle impliquera de nouveaux enjeux pour les directions achats

  • Traçabilité & fiabilité des décisions : l’IA impose de garantir la transparence et la traçabilité des décisions, de gérer les nouvelles obligations réglementaires et de sécuriser les données.
  • Cadre juridique & conformité : l’IA Act de l’Union Européenne encadre l’utilisation de l’IA, imposant des exigences strictes pour les systèmes à haut risque et interdisant ceux présentant un risque inacceptable.
  • Maîtrise des coûts & ROI : les solutions d’IA engendrent des coûts, comme l’hébergement et les coûts de développement. Par conséquent, il est important de savoir gérer ces coûts et maîtrise les modèles tarifaires.
  • Compétences & autonomie des équipes : il est essentiel de former et d’accompagner les équipes dans la transformation de leur rôle, les acheteurs devant évoluer vers des rôles plus analytiques et stratégiques.
  • Data & gouvernance : une IA performante repose sur des données propres et bien gérées. Il est crucial de garantir la qualité des données et de structurer efficacement leur gouvernance.

Les cas d’usages concrets

Face à ces nouveaux enjeux, l’IA devient un véritable levier stratégique en apportant plus de précision, d’efficacité et d’innovation. Il est donc essentiel de se lancer dans ces sujets en utilisant des cas d’usage concrets pour passer à l’action dès maintenant. Selon Fabienne VOISIN LECUYER, ci-dessous les principaux cas d’usages :

  • Automatisation des tâches chronophages : l’IA prend en charge des tâches répétitives comme le traitement des factures et la validation des commandes, réduisant ainsi le temps de traitement et les erreurs.
  • Analyse des données et aide à la décision : l’IA analyse de grandes quantités de données pour anticiper les fluctuations de prix et proposer des recommandations optimisées.
  • Gestion des risques et de la conformité : l’IA identifie les risques financiers et de conformité liés aux fournisseurs, sécurisant ainsi les échanges et garantissant la traçabilité des décisions.
  • Négociation et sourcing intelligent : l’IA analyse les contrats, propose des scénarios de négociation et optimise le choix des fournisseurs, renforçant les partenariats externes.
  • Optimisation des stocks : l’IA utilise des modèles de Machine Learning pour prédire les ruptures de stock et optimiser la chaîne logistique.

 Les bonnes pratiques pour un déploiement efficace

Les entreprises qui adopteront l’IA intelligemment renforceront leur compétitivité, tandis que celles qui la percevront comme une contrainte risquent de perdre en compétitivité. L’IA doit être un outil au service des achats, et non une contrainte, avec une organisation capable d’accompagner la transition vers son utilisation.