L’intelligence géographique est encore sous exploitée par les entreprises, mais la situation évolue très vite. Ce pourrait être une des conclusions de cette soirée de l’IA du 5 novembre dernier. C’est à distance que le directeur du lab IA d’Axys, Jean-Luc Marini et Sonia Leboucher, head of datasicence se sont entretenus avec Anthony Loué, ingénieur solutions à Esri France et Sebastien Connesson, co-fondateur de Galigeo pour évoquer un sujet passionnant : l’intelligence géographique et intelligence artificielle.
« dans la réalité, la dimension géographiques n’est souvent pas exploitée dans l’analyse de l’activité et pour prendre des décisions comme pourrait le suggérer notre sujet et la définition de l’intelligence géographique»
Jean-Luc Marini, directeur du lab IA d’Axys Consultants
Les données géo sont sous exploitées.
80% des données existantes ont une composante géographique. Mais, « dans la réalité, la dimension géographiques n’est souvent pas exploitée dans l’analyse de l’activité et pour prendre des décisions comme pourrait le suggérer notre sujet et la définition de l’intelligence géographique, soit un ensemble de concepts et technologies qui ont pour but d’apporter une dimension géographique dans le pilotage opérationnel et stratégique des organisations. Néanmoins, De plus en plus d’entreprises prennent conscience de l’utilité de ce type de données », constate en ouverture de table ronde Jean-Luc Marini. D’autres entreprises ont déjà pris en compte cette composante comme le soulignait Sébastien Connesson, et elles ont disrupté le marché, que ce soit Uber ou Airbnb. Pour Sébastien, l’exploitation de ces données permettent d’incarner le fameux slogan, « Think global, act local » en décidant depuis le siège des lieux d’implantation de points de vente ou succursales en fonction de données géographiques. Un des cas d’usage. Et des cas d’usages, beaucoup ont été partagés par les intervenants, que ce soit la sélection de sites commerciaux, de la gestion de la chaîne logistique, de la planification des itinéraires parmi des dizaines d’autres.
« le système de scoring doit toujours être interprétable et explicable. »
Jean-Luc Marini, directeur du lab IA d’Axys Consultants
Implantation, optimisation des flux, excellente opérationnelle : des cas d’usages à foison
A commencer par l’implantation de nouveaux magasins Décathlon à Hong-Kong. Des choix opérés par l’exploitation de données ouvertes afin de scorer les différentes implantations possibles selon divers critères : les moyens d’accès, les parkings, les zones sportives etc. Autant d’éléments pris en compte et qui permettent d’expliquer le score obtenu et argumenter. Pour Jean-Luc Marini, « le système de scoring doit toujours être interprétable et explicable. » Une approche partagée par Anthony Loué qui évoque aussi la facilité de lecture comme condition sine qua non, et ce en prenant exemple sur le tableau de bord dynamique de l’Université John Hopkins et les données sur la propagation du Covid. Au cas de Décathlon, Axys Consultants a aussi présenté le cas d’usage de La Poste avec une optimisation de la tournée des facteurs en fonction du trafic dans les zones de tri avec une approche prédictive sur 35 jours du trafic à la fois dans les centres de tri et le temps de préparation du courrier. Dernier cas, l’étude des flux aéroportuaires dans les aéroports d’ADP, voyageurs, bagages, correspondance, le tout pour optimiser les déplacements des utilisateurs, leur densité pour mettre en place le nombre d’employés nécessaire et optimiser le taux de conversion pour les boutiques des différents halls.
« cela doit répondre aux problématiques métiers et il faut apporter la GéoInt aux décideurs »
Sebastien Connesson, co-fondateur de Galigeo
Des typologies d’usage similaires pour ESRI, éditeur d’une plateforme géographique poussée destinée à utiliser les cartes en outils de pilotage. Avec des clients dans l’industrie, l’énergie, le retail, l’immobilier, les cas d’usages décrits par Anthony Loué concilient implantations, étude des flux ou encore gestion des risques. Dans le retail Esri travaille ainsi pour la Française des jeux, « La FDJ a besoin de savoir où sont ces PDV, ses joueurs pour analyser la connaissance de la population, les flux de déplacement autour des PDV, le temps pour aller vers le débitant le plus proche afin de prendre des décision d’installation et potentiel commercial pour les nouveaux débitants », détaille Anthony qui évoque aussi la gestion des risques en cas de catastrophe majeure pour les assureurs ou l’étude de l’environnement pour un acteur immobilier qui souhaite s’implanter dans un tissu urbain.
Pour accompagner les décisions, Galigeo entend pour sa part fournir de l’intelligence géographique aux décideurs. Issu du décisionnel, c’est en constatant la faiblesse de l’analyse géographiques par les solutions de B.I que l’éditeur s’est donné pour mission d’intégrer cette approche au sein des outils et du SI. « Pour nous, cela doit répondre aux problématiques métiers et il faut apporter la GéoInt aux décideurs », martèle ainsi Sébastien.
« Nos données recèlent 80% de dimensions géographique, mais elles sont parfois bien cachées. »
Anthony Loué, ingénieur solutions à Esri France
GéoInt et IA, une approche en devenir ou mature ?
L’intelligence géographique, c’est d’abord de la donnée. Dans ce cadre, l’intelligence artificielle est largement utilisée pour accélérer les tâches répétitives ou encore réaliser de l’analyse spatiale comme le rappelle Anthony. Outre ces calculs, Esri utilise l’IA pour la vision sur ordinateur et insertion d’images et vidéos, par exemple l’affichage de la publicité ou l’étude des flux de personnes, mais aussi pour des assistants vocaux sur le modèle de Siri ou Cortana. Tout aussi intéressant, du moins inattendu, l’usage du traitement du langage, « Nos données recèlent 80% de dimensions géographique, mais elles sont parfois bien cachées. Pour les trouver nous analysons beaucoup de données, des documents, des emails entre autres. C’est un peu comme ces entreprises qui récupèrent des tweets pour pouvoir les localiser et analyser les sentiments en fonction de la population. »
Pour Galigeo, l’IA est une nécessité pour répondre rapidement à des problèmes toujours plus complexes. « La force de l’IA c’est de pouvoir apporter des réponses rapides à des questions complexes et de simuler des scénarios plus rapidement, rappelle Sébastien. En termes d’IA on se repose sur le machine learning, modèle d’apprentissage sur l’existant avec des données internes et externes météo, flux pour établir un scoring dans un contexte local, typiquement l’évaluation des emplacements pour le retail. » Une agilité nécessaire et illustrée par deux cas d’usages. « Face à Amazon, la Fnac devait prendre rapidement des décisions stratégiques. Alexandre Bompard a choisi de densifier son réseau de magasins pour accroître la proximité. Sur quels facteurs se décider pour ouvrir 50 PDV par an ? Comment on fait pour étudier les scénarios, comment prendre la décision. Grâce à l’IA, vous avez la réponse en quelques minutes. » A l’identique, comment l’Etablissement Français du Sang optimise sa collecte mobile en choisissant le lieu, l’heure pour positionner ses camions de collecte ?
« Starbucks ouvre un magasin en Chine par jour. Avant de s’installer, ils modélisent des scénarios en récupérant des données démographiques, sur les flux, mais aussi sur les projets en cours ou à venir avant de tout cartographier. »
Anthony Loué, ingénieur solutions à Esri France
Que ce soit Anthony ou Sébastien, la simplicité d’usage de l’IA est largement évoquée : « L’apprentissage est continu, c’est une boucle, je mesure, je retraite et j’améliore. Cela permet de répondre rapidement avec une technologie relativement simple techniquement », rappelle ainsi Sébastien.
Coupler GéoInt et IA pour prédire l’avenir
L’approche prédictive est aussi un argument fort pour le recours à la GéoInt motorisée par l’IA. Là aussi les applications sont nombreuses et couvrent de nombreux secteurs. Mais, sans surprise, s’applique très largement au retail à l’image de Starbucks ou Walgreen, deux cas évoqués par Anthony, « Starbucks ouvre un magasin en Chine par jour. Avant de s’installer, ils modélisent des scénarios en récupérant des données démographiques, sur les flux, mais aussi sur les projets en cours ou à venir avant de tout cartographier. Cette approche leur permet d’anticiper ce qu’il se passe à l’échelle du quartier pour faire partie du tissu urbain avant même que tout soit en place et l’arrivée de la population supplémentaire. Cela permet aussi de dimensionner leur magasin en fonction de ces critères dont le chiffre d’affaires anticipé. » Une approche prédictive suivie aussi par les magasins Walgreens qui étudie les déplacements de ses clients pour aligner les bons produits en fonction des flux. Reste les problématiques se posent selon l’emplacement géographique de chaque magasin. Ce qui induit là aussi de modéliser plusieurs scénarios en utilisant à la fois la vision assistée et les probabilités.
On ne se passe plus du GPS, de Google maps…on optimise déjà sa vie avec ses outils. Il faut étendre cela aux entreprises »
Sebastien Connesson, co-fondateur de Galigeo
Quelle évolution et perspectives pour l’intelligence géographique ?
On le voit, l’utilisation de la GeoInt couplée à l’IA est un facteur clé pour prendre des décisions optimales dans de nombreux cas d’usages. Pour les participants à cette table ronde, les perspectives marché pour ces outils sont des plus favorables, d’autant plus avec les accélérateurs que sont la crise sanitaire, la simplicité des outils et surtout l’interopérabilité avec des applications métiers. Pour Sébastien, « le GeoInt est un atout pour toute entreprise afin d’être plus compétitive. C’est accessible et tout le monde en a besoin. Il reste du chemin pour rendre le tout accessible, mais demain ce sera une commodité. On ne se passe plus du GPS, de Google maps…on optimise déjà sa vie avec ses outils. Il faut étendre cela aux entreprises que ce soit pour le retail afin qu’elle redéfinisse le modèle omnicanal, les industriels pour reprendre la main sur la distribution de leurs produits… » Des possibilités décisionnelles infinies donc. Mais comment commencer ?
6 facteurs clés de succès pour déployer réussir son projet d’Intelligence artificielle
Pour commencer, nos interlocuteurs ont évoqué les facteurs clés de succès pour utiliser avec pertinence l’intelligence artificielle. Pour eux :
- Le projet doit créer de la valeur pour l’entreprise et résoudre un problème
- Le besoin doit être identifié et l’expression de besoin clairement formalisée pour embarquer les parties prenantes
- L’IA doit s’intégrer dans les outils et les process existants en étant le plus transparent possible pour l’utilisateur
- Un outil visuel est à privilégier pour faciliter son usage
- La donnée est toujours le point d’attention critique. De mauvaises données laissent amplifient les erreurs.
- Les collaborateurs doivent être accompagnés, même ceux qui ne sont pas liés au projet, un bon projet est partagé avec les autres services de l’entreprise.
A ce sujet lire aussi la tribune : L’intelligence géographique : la brique manquante dans l’analyse des données ?
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