L’intelligence Artificielle… On en parle beaucoup, mais est-il possible d’en avoir une rapide application métier ? Directeurs des Achats, Directeur Financier, Directeurs des Ressources Humaines ou Directeur Marketing… au-delà de la sensibilisation à cette technologie, sont-ils capables de la mettre en application au sein de leur propre Direction ? Au final, l’IA est-il un objet suffisamment bien défini pour le maîtriser et le mettre en place ?
Comme internet en son temps, l’essor de l’intelligence artificielle crée une galaxie de nouveaux métiers pour des profils business et métiers. Contrairement à une croyance courante, bon nombre de ces métiers ne requièrent aucune connaissance technique, mais une bonne appréhension des possibilités métiers et business offertes par l’IA. Que ce soit pour résoudre un problème, optimiser un process ou créer une entreprise pour porter une idée. C’est sur cette conviction qu’a été élaborée au sein de Mines Telecoms une formation dédiée, ouverte à tous les profils non techniques.
Jean-Luc Marini : Marc, pourriez-vous nous présenter un peu plus votre formation ?
Marc Decombas : Dans le cadre de notre formation, nous avons mis au point des argumentaires pour les personnes qui veulent suivre ce cours, auprès de leurs employeurs et même auprès de Pôle emploi, pour expliquer que faire une formation sur l’IA répond à un vrai besoin. Il y a de vrais métiers et ces métiers aujourd’hui ne sont pas encore définis. Il y a un petit travail d’évangélisation à faire. Les gens peuvent vite percevoir le besoin, mais encore faut-il pouvoir énumérer les arguments. L’Intelligence Artificielle n’est pas quelque chose dédiée exclusivement aux ingénieurs, les métiers (Finance, RH, Achats, Marketing…), doivent pouvoir se positionner et mener un projet « iA ». Maintenant, si nous me dites : « où est le chef de projet IA ? », « Où est le Responsable Éthique des IA ? », « Où est le marketing IA ? », « Le gestionnaire des coûts des IA ? » Aujourd’hui, ce n’est pas clair et les différentes offres d’embauche ne sont pas explicitées.
Jean-Luc Marini : Ne sommes-nous pas encore sur des approches très traditionnelles par rapport à ces métiers ?
Marc Decombas : Quand j’entends dire « Oui, mais il me faut de l’IA chez moi », OK, mais quand elle sera à disposition, qui va la gérer et définir les objectifs du projet ? Comment vérifier que ce dernier avance ou pas ? Comment mesurer tout ça ? Lorsque vous évoquer le mot « IA » dans une entreprise, qu’elle soit traditionnelle ou qu’elle le soit moins, les gens voient, soit Terminator, soit la disparition de leur emploi. Il n’y a pas nécessairement une adhésion forte à faire entrer l’IA dans les entreprises. Ces organisations qui refusent ou qui n’arrivent pas à conduire humainement leurs politiques RH pour que les employés évoluent, vont se retrouver en difficulté concurrentielle, parce qu’ils auront des produits qui seront vieillissants ou des processus qui seront plus lents et moins optimisés.
Jean-Luc Marini : Pour résumer, je peux lancer un projet « iA » sans pour autant être ingénieur ? Je suis en mesure, en tant que professionnel « métier », de mener à bout un tel projet, afin qu’il apporte un avantage concurrentiel à mon entreprise ? C’est un peu ce que je perçois, ai-je tort ?
Marc Decombas : Tout à fait ! Dans ma formation, je ne retiens que des profils qui ont une expérience « métier » d’au moins 15 ans, c’est ce qui leur permet d’identifier des problèmes fonctionnels dans leurs emplois, que ce soit dans leurs produits, dans les process, dans les recrutements, etc. Nous pouvons donc avoir des profils qui peuvent être juridiques, RH, business, quels qu’ils soient.
Jean-Luc Marini : Quel que soit le métier ?
Marc Decombas : Quel que soit le métier ! Ce que nous voulons, c’est que les « étudiants » soient capables d’identifier les problèmes dans leur métier et que l’IA soit une des réponses ces problèmes-là. La première chose que je leur demande c’est « Maintenant, vous identifiez au sein de votre vie professionnelle quelques sujets qui vous intéressent et où vous pensez qu’il y a une valeur business à améliorer ce processus-là. » On part de ce constat-là et là, nous leur enseignons du lundi au jeudi, de 13h à 15h (horaires compatibles avec leur emploi), ce qu’est un réseau de neurones, ce qu’est l’anonymisation des datas, pourquoi, en France, quand vous faites de l’IA, la CNIL est toujours présente etc. On prend un sujet, on le présente, c’est presque une vidéo YouTube adaptée pour les profils business, pas besoin de prérequis mathématiques, statistiques, ou de code ! Nous leur apprenons le vocabulaire, les différents choix architecturaux qui existent et leurs impacts sur les performances, les coûts de production et sur le temps de développement.
Tout ça, il faut que ce soit maîtrisé, parce que, encore une fois, ce n’est pas un profil technique qui a besoin de faire ça, c’est quelqu’un qui va dimensionner un projet ou qui va se dire : « Moi, je suis RH, je voudrais une petite IA, j’ai des data scientist, on m’a dit qu’il y avait des projets d’entrepreneuriat. Pour ce faire, il faut que je définisse, mon cahier des charges, mes contraintes budgétaires, mon planning, etc ». Après cette étape, la personne est en en mesure de définir les profils des membres de l’équipes. Nous fournissons des coachs qui sont là pour mettre en application les connaissances sur le projet. Le livrable attendu à la fin de l’exec, est une roadmap réaliste, avec des budgets réalistes et a minima, un POC définit en fonction de la taille de la structure (PME, start-up, grand groupe). Le jury final est composé, de personnes issues du milieu académique et de profils un peu plus entrepreneurial business.
L’objectif de cette formation est d’offrir un emploi à celles et ceux qui sont au chômage et de former les personnes en poste, pour qu’ils soient capables de porter un projet « iA ». In fine, dans les entreprises, avec ces nouveaux chefs de projets iA, l’objectif est clair : permettre aux directions métiers d’avoir accès à des profils « Data Scientist », afin de mener de A à Z, un projet « RH » par exemple, intégrant de l’iA et cesser de toujours confier ces projets à l’IT qui n’y connait rien !
Jean-Luc Marini : Sais-tu comment se positionne Pôle Emploi par rapport au marché de l’iA ?
Marc Decombas : Quand une personne va voir Pôle emploi et leur dit : « Je veux être responsable des IA et de l’éthique », bien souvent, la personne en face du demandeur d’emploi ou de formation, ne sait pas quoi répondre… Il y a également un besoin de formations pour le personnel de Pôle emploi. L’Intelligence Artificielle, c’est un sujet tellement large, qu’ils ont besoin d’un argumentaire sérieux et construit pour savoir pourquoi Madame DURAND, qui a un bac+5, 15 ans d’expérience dans le marketing dans l’aéronautique, souhaite une formation en iA. Puisque, grosso modo, elle n’a pas un bac-8 et n’est pas « dans la difficulté professionnelle ». Il faut sensibiliser Pôle emploi à ce genre de nouvelle problématique, « malgré mes compétences, il faut que je fasse pivoter ma carrière. »
C’est juste une évolution des métiers et rien de plus. Une ancienne secrétaire peut, par exemple, devenir responsable des annotations de son entreprise et ranger la data ! N’oublions pas que 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore d’après l’étude publiée par Dell et l’Institut pour le futur.