[LES ECHOS] RSE : « Une IA responsable constitue l’un des leviers de la transition »
Aujourd’hui, alors que tout semble pouvoir basculer du jour au lendemain – les marchés, les chaînes d’approvisionnement, les équilibres géopolitiques, une chose, elle, ne change pas : les limites planétaires. Elles ne s’ajustent pas à la conjoncture. Elles ne s’adaptent pas aux urgences du quotidien. Et, elles continueront de peser de tout leur poids sur les modèles économiques.

Vers un changement de paradigme
Le dépassement de six des neuf limites planétaires fait peser un risque d’emballement et de bascule des écosystèmes dans un état instable et défavorable au maintien d’un espace sûr et juste pour l’homme. Ce constat, implacable, doit guider l’engagement des entreprises et institutions à tenir le cap vers une RSE régénérative au service du vivant. Une politique sociale et environnementale qui ne se contente plus de « faire un peu mieux », mais qui pense véritablement l’avenir.
Le pilotage de la transition écologique, sociale et économique nécessite une bascule radicale, en intégrant cette démarche au coeur de la stratégie. Fini le temps où la RSE se logeait dans un rapport annuel. Aujourd’hui, elle doit irriguer les décisions d’investissement, d’innovation, de gestion des ressources et de relations avec les parties prenantes.
Anticipation et diversification des modèles
Si c’est ce que semblent avoir compris 70 % des entreprises au sein desquelles la RSE est désormais rattachée au COMEX, contre 63 % en 2022, selon Kantar, ces dernières doivent aujourd’hui faire face à de fortes incertitudes : tensions géopolitiques, assouplissement des réglementations européennes avec, récemment, la mise en place de la législation Omnibus… Tout cela peut donner envie de lever le pied.
Céder à cette tentation, c’est s’exposer à des coûts bien plus lourds demain. Car les tensions sur les ressources et le vivant – matières premières, eau, biodiversité – sont là, réelles et inéluctables. Les entreprises qui anticipent, réduisent leur dépendance et diversifient leurs modèles, seront mieux armées. Au contraire, celles qui s’en remettent à des arbitrages trimestriels risquent de disparaître.
Mettre l’IA au service d’une plus grande sobriété
Pour construire cette démarche holistique, l’IA apparaît comme prometteuse. Dans l’agriculture, elle réalise déjà des prouesses : prédiction des rendements ou du développement d’une maladie, gestion de l’irrigation, cueillette robotisée des fruits, désherbage automatisé… Dans la logistique, selon une récente étude McKinsey Global Institute, un distributeur sur trois a intégré l’IA dans sa gestion des processus de Supply Chain. Enfin, dans la santé, d’après le baromètre de PulseLife et Interaction Healthcare, elle participe déjà au diagnostic médical (27 %) et aide à la prescription des traitements (27,9 %). Ce ne sont pas des gadgets : ce sont de véritables outils pour libérer du temps humain et gagner en efficacité, y compris écologique.
Mais comment parler de sobriété tout en promouvant cette technologie que l’on sait gourmande en eau et en énergie ? En 2030, la prévision de consommation électrique destinée à l’IA s’élèverait à 1.500 TWh, soit l’équivalent de la consommation actuelle de l’Inde, selon le FMI (World Economic Outlook, Avril 2025 ; Commodity Special Feature). La réponse est simple : tout dépend de l’usage. L’IA peut être un gouffre énergétique ou un formidable levier d’optimisation, de prédiction, d’automatisation utile.
Cependant, il y a une condition à cela. Il faut raisonner, toujours, en termes de rapport coût/bénéfice global : écologique, économique, éthique et humain ; et ne pas regarder uniquement le ROI financier à court terme. Surtout, nous devons sortir du syndrome du « cimetière des POC » : une IA qui n’est pas adoptée, qui ne transforme pas les pratiques, c’est une opportunité perdue et une ressource gaspillée.
Une économie régénérative
La sobriété n’est pas un renoncement. C’est une stratégie. Une économie « Sobréthique », c’est une économie qui régénère plus qu’elle ne prélève ; qui ne produit pas moins mais autrement, avec moins de gaspillage, plus de résilience et de services à forte valeur ajoutée. Les entreprises industrielles le savent déjà. Et, demain, tous les secteurs, y compris les services, seront concernés. Car dans une économie mondialisée, tout est interconnecté : si un maillon lâche, c’est toute la chaîne qui est affaiblie.
Agir maintenant, c’est éviter des chocs, plus tard. C’est construire des entreprises plus agiles, solides et désirables pour les talents, les investisseurs et les clients. Nous ne sommes pas naïfs : la transition est complexe, mais elle est aussi pleine d’opportunités. Et, une IA responsable en constitue justement l’un des leviers. Ainsi nous croyons à une technologie qui libère plus qu’elle ne contraint. À une entreprise qui intègre les enjeux environnementaux et sociaux dans son modèle ; non pas pour cocher une case, mais pour durer. La transformation est en marche. Reste à choisir : y participer ou la subir.