En se basant sur l’étude élaborée avec Easy Front autour du thème de l’IA et du service client, nous nous sommes intéressés à la vision qu’ont les managers d’entreprises de l’Intelligence artificielle, et plus précisément sa façon de gérer le service client.
C’est aujourd’hui l’avis de Sonia-Devi Ung, CMO chez Max-Sens Innovations, qui nous intéresse.
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Le service client est un point névralgique dans toute organisation. On connaît tous les conséquences néfastes engendrées par un client non satisfait. A votre avis, quel est le premier challenge que le service client doit relever (que ce soit en termes de moyens/ressources humaines, d’organisation, management …) ?
Aujourd’hui après le Covid, au-delà des préoccupations sanitaires et économiques, je ressens l’émergence d’un besoin accru de connexion humaine profonde, favorisé par l’utilisation des nouveaux outils digitaux. La recherche de solutions qui simplifient la vie, et enrichissent la bande passante du contact humain comme si le temps, s’étant arrêté quelque temps, était devenu encore plus précieux, valorisant la connexion immédiate, qu’elle soit en présence ou à distance.
En parallèle, la crise et l’incertitude ont provoqué l’ouverture forcée de nouvelles fenêtres, l’exploration de nouvelles perspectives, qu’elles soient introspectives ou tournées vers les autres et la société.
Enfin, les publics, échaudés par les marasmes de la crise sanitaire, sont plus que jamais en attente de transparence et d’honnêteté des acteurs, en particulier en cas de défaillance de la prestation. La sur-promesse pouvait par le passé susciter l’agacement. Mais dans l’ère post-Covid, c’est une faute éthique, une tache sur la marque. Les systèmes automatisés devront intégrer cette exigence de transparence, et ce n’est aisé, car la transparence conversationnelle peut aussi faire courir des risques juridiques pour l’entreprise. Cette exigence nouvelle vient se superposer dans le monde post-Covid au respect de la vie privée que le législateur a imposé ces dernières années.
Mais si on va plus loin, je pense qu’il faut surtout décloisonner le service client et raisonner en termes d’expérience client en général, que la conversation soit initiée via le commercial, le sav, l’assistance, le crm ou du social media.
Cette expérience client automatisée doit être simple, fluide et résoudre des problèmes, certes, mais elle devrait être tout autant stimulante et inspirante. Elle a le potentiel de permettre une découverte de soi et des autres sous un angle nouveau. Elle doit permettre de rendre la vie des personnes plus facile, plus signifiante. Elle peut, par la qualité de son contenu, donner de l’énergie et des ressources nouvelles pour accompagner la transformation du regard des personnes sur le sens de leurs usages, de leur consommation, de leur rapport aux marques.
Les entreprises ont leur transformation digitale, mais les gens aussi se transforment ! Toute crise transforme les personnes. Nous ne sommes plus les mêmes aujourd’hui qu’avant la crise sanitaire.
Le consommateur va se demander est-ce que cette chose fait sens pour moi ? Est-ce que finalement cet accessoire qui était un « must have » m’encombre plus qu’il n’enrichit mon quotidien ? Est-ce que cette relation, ce produit, ce système me simplifie la vie ? Cette marque porte-t-elle mes nouvelles valeurs ?
Pendant le Covid, les gens manquaient cruellement de contact humain, mais ils ont dû réinventer ce contact intégralement via le virtuel, ils ont expérimenté avec de nouveaux outils numériques qui pour eux portent désormais le « tag » « plus d’Humain ». Les outils de relation client automatisés devront tenir compte de ce nouvel écosystème numérique.
Par exemple, pendant le Covid, on a constaté une augmentation de 1000% des demandes de formation à distance (source : Fédération de la Formation Professionnelle). Avant la crise, beaucoup de personnes considéraient que le distanciel tuait l’humain au sens figuré. Or au plus fort de la crise c’est le présentiel qui tuait au sens propre ! Heureusement, les outils dont nous disposons ont permis de faire vivre et perdurer la présence humaine sous d’autres formes :
Outils numériques permettant de faire perdurer le lien mais aussi de créer plus facilement de nouvelles connexions, outils permettant de faire vivre et de stimuler l’intelligence collective, outils de réalité virtuelle permettant d’opérer des changements de perspective, de se penser soi-même et les autres sous un angle nouveau, découverte d’outils inédits de développement personnel axés sur les habiletés interpersonnelles (soft skills), et toute une série de dispositifs permettant d’aller à la découverte de ses émotions et de celles des autres et de devenir une version en quelque sorte évoluée voire augmentée de soi-même : plus efficace, plus à l’écoute de soi-même et des autres donc plus humaine.
Le service client automatisé post-Covid fera face à des consommateurs très à l’aise avec les vidéo-calls de type Zoom, les échanges collaboratifs de type Teams ou la formation virtuelle en VR. Ce sera l’un des challenges des outils d’automatisation de la relation client, y compris les chatbots, de trouver des pistes pour s’intégrer dans ce nouvel écosystème qui porte plus que jamais la dimension humaine du numérique.
On constate qu’il y a aujourd’hui 35 % de chatbots implantés dans les services client dans les entreprises mais qu’ils déçoivent (17,5 % d’insatisfaits). A votre avis à quoi cette déception est-elle due ? Avez-vous une expérience à titre personnel d’échange avec un chatbot qui a été satisfaisante ou inversement ?
Cela est normal. De la même façon que les e-learning et autres mook du début, qui se contentaient de répliquer en numérique la logique linéaire et autoritaire des manuels et des quizz papier ont considérablement nui à l’image de l’enseignement à distance, les chatbot qui ont fait tourner les gens en bourrique ont nui à l’image des dispositifs de réponse automatisés.
De ma propre expérience, un des points d’achoppement est lorsque le chatbot relance trop par des questions précises mais peu pertinentes ou n’avoue pas qu’il a du mal à cerner la question ou à trouver une réponse. Il peut être alors nécessaire de rassurer et d’inviter les personnes à faire preuve de patience et d’ « empathie machine ». En cela l’humour peut-être un allié puissant du chatbot. Les Apple, Google et autres Amazon l’ont bien compris et leur I.A pour enceinte connectée a fait d’énormes progrès dans leur capacité à avouer avec humour leur ignorance sans perdre en crédibilité et sans donner l’impression de trop se répéter.
Dans le contexte du confinement, j’ai eu l’occasion de tester un chatbot éducatif avec mes enfants et j’ai été très agréablement surprise par le chatbot proposé par Lydie Catalano, extrêmement instructif avec des dialogues très bien faits :
Plus généralement, j’ai constaté qu’il n’existe pas encore de certification qualité des chatbots. Nous avons des labels pour tout, des nutri-score, etc mais nous n’avons pas de labels pour quantifier le degré d’humanité d’un chatbot, son « human-score ». Ce score pourrait mesurer la capacité du chatbot à résoudre les problèmes de façon fluide, mais aussi sa capacité à écouter les gens sans les agacer et à donner une image positive de la marque qu’il représente. Il y a peut-être là une piste à creuser pour rassurer les entreprises et stimuler innovation.
Dans l’étude on constate qu’il y a 25 % de solutions pour analyser les sentiments qui sont déjà implantées mais avec 15 % d’insatisfaits contre 5 % de satisfaits. Pensez-vous que cette solution est appelée à se développer ? Si oui pourquoi ?
J’en suis totalement convaincue.
Je pense toutefois que cette automatisation sous-estime encore l’importance du contenu émotionnel des échanges client en ne retranscrivant souvent que le texte ou en ne résumant le spectre des émotions qu’à un sentiment positif/négatif.
On gagnerait beaucoup à retranscrire la richesse des émotions dans ces reportings automatisés et à en tirer des conséquences pour la signature émotionnelle de la relation client (ex : le conseiller Apple Store est formé pour dédramatiser et calmer en jouant sur les signaux de la confiance et d’empathie plutôt que sur les démonstrations d’expertise technique).
Max’Sens a beaucoup investi pour que ses I.A. ne fonctionnent pas qu’avec du texte mais prennent également en compte le ton de la voix, voire le rythme cardiaque et la direction regard du via des capteurs lors des mises en situation immersives.
Pouvoir intégrer le service client de manière fluide dans tous les aspects de la transformation digitale de l’entreprise est vital aujourd’hui.
L’identification des émotions et des sentiments est omniprésente dans l’expérience de formation Max’Sens. C’est notre différence et je pense utile d’en dire deux mots dans notre champ, celui de la formation, car on peut en tirer des enseignements évidents pour le conseiller client de demain, humain ou virtuel.
Car ces outils seront forcément amenés à se développer car ils permettent aux professionnels de se doter d’une « paire d’antennes » supplémentaire dont ils ne voudront plus se passer une fois qu’ils y auront goûté: savoir quand une personne est stressée, désemparée, excédée voire potentiellement agressive afin d’y remédier en temps réel. C’est bien sûr toujours possible en face-à-face, mais en face d’un certain nombre de personnes, on perd très vite sa capacité d’attention.
Car sur le terrain glissant des émotions, le gain de clarté et d’objectivité apporté par les outils d’IA est précieux :
A l’apprenant, il s’agit de donner une vision suffisamment claire pour faire tomber ses barrières psychologiques et cognitives et surtout ses peurs et de s’entraîner dans un cadre bienveillant dans lequel il aura toujours droit à l’erreur.
Au formateur, il donne un outil lui permettant de guider de façon objective et d’améliorer sa proposition de formation.
Grâce au simulateur immersif, la personne coachée est mise en situation conversationnelle face à des interlocuteurs virtuels lui permettant de s’entraîner à la prise de parole en public, à la gestion de conflit, à la négociation, au média training, etc.
Outre les émotions, la personne est guidée quant à l’amélioration de son élocution, de la tenue de son regard, de sa posture, et bien sûr du contenu énoncé (mots clés, hésitations, tics de langage, etc.)
L’automatisation permet de s’acquitter rapidement de tâches fastidieuses afin de se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée humaine.
Automatisation ne doit pas signifier uniformisation, bien au contraire : Il devrait toujours être possible de déplacer le curseur de façon à recevoir exactement les informations dont on estime avoir besoin, ni plus ni moins.
Pour la relation client, la démarche équivalente consisterait à automatiser le suivi émotionnel pour non seulement apaiser et aider le client, mais aussi pour améliorer et approfondir la relation émotionnelle globale à la marque, susciter un climat de confiance dans tous les échanges, enrichir la connexion, miser sur la personnalisation pour anticiper non seulement les besoins mais aussi les émotions. Développer l’empathie client sous l’angle émotionnel, et de manière non intrusive, est l’une des voies de recherche technologique les plus prometteuses pour notre secteur.
Dans l’étude, ce sont les solutions d’automatisation qui sont les plus satisfaisantes (génération automatisée du compte-rendu des échanges avec les clients : 12,5 % de satisfaits vs 5% d’insatisfaits ; l’automatisation de l’analyse des scripts des conseillers et retranscription écrite 10 % de satisfaits et 5 % d’insatisfaits. A votre avis, pourquoi ce succès ?
J’y vois deux raisons.
La première est que l’entreprise se doit de plus en plus d’être orientée client, or le service client est souvent le maillon faible dans la chaîne de valeur, et difficile à piloter, donc à améliorer. L’automatisation du suivi du contenu de la relation client crée une base de travail qui permet à terme d’aligner la qualité de service sur les meilleures pratiques des conseillers et donc de donner un sens concret à l’orientation client des marques.
La deuxième, et c’est pour moi la plus importante, est qu’elle permet de faire rentrer ce qui relevait auparavant du flou, du non quantifiable, du « littéraire», du « ticket de suivi », du courrier et de la voix… de le faire rentrer dans le monde du mesurable, du process, du reporting, de l’audit, de la data.
Pouvoir intégrer le service client de manière fluide dans tous les aspects de la transformation digitale de l’entreprise est vital aujourd’hui.
Si vous ne deviez retenir qu’une solution d’IA à implantée dans un service client quelle serait-elle et pourquoi ?
Très clairement celle que Max’Sens a mis en place pour former les personnels des services client !
Bien évidemment, il y a la solution d’automatisation complète de la relation client, mais il y a des domaines où la dimension humaine du service fait partie intégrante du concept, comme dans le secteur du luxe ou dans une concession automobile par exemple. Là, le besoin est plutôt d’un conseiller qui reste humain, certes, mais qui est doublement « augmenté » :
D’une part le conseiller a de plus en plus en plus à sa disposition des outils technologiques, voire un assistant lui permettant de dialoguer avec les automates du système, comme pour le check’in d’hôtel par tablette par exemple.
D’autre part, le conseiller est spécifiquement formé pour gérer de manière efficace et totalement autonome la partie émotionnelle de la relation client.
Or cette formation via l’I.A. et la VR aux soft skills est l’expertise centrale de Max’Sens, notre raison d’être.
57,5 % des répondants à l’étude sont d’accord avec le fait qu’une demande traitée par un conseiller donnera toujours de meilleurs résultats que si elle est traitée par un chatbot. Le pensez-vous également ? Si oui qu’est ce qui fait qu’un humain est plus apte à répondre qu’un chatbot ? Sinon en quoi un chatbot est-il plus fiable qu’un humain pour répondre ?
Je suis même surprise qu’il n’y ait pas 75% qui pensent que l’humain sera toujours meilleur que la machine dans cette tâche, car cela est toujours plus rassurant de penser que le robot ne pourra jamais totalement nous remplacer, en particulier dans le relationnel. Donc 57.5% c’est un chiffre éloquent. Cela montre que ce que le public a déjà intégré l’utilité des chatbots !
Pour ma part, je suis persuadée que la réussite des assistants de smarphone et des enceintes connectées de type Alexa y est pour beaucoup, en particulier auprès des Millennials. L’annonce régulière par les media des prouesses des I.A. face aux humains, au début dans le jeu, et maintenant dans les voitures autonomes, a fait oublier l’image de l’automate obtus à la voix mécanique qui boucle sur une même question idiote. De même que nous nous inquiétons si notre chauffeur de taxi n’a pas de GPS, nous nous inquiéterons demain si notre conseiller n’est pas assisté d’I.A.
Bien sûr nous savons que les chatbots ont accès à une masse considérable d’informations actualisées et dans un monde accéléré, leur vitesse nous est de plus en plus utile. Nous savons également que grâce à l’I.A. qui exploite tous les signaux faibles des interactions client-entreprise, ils savent mieux anticiper les besoins qu’un conseiller novice, mais il est vrai qu’ils n’ont pas la finesse de lecture émotionnelle et l’empathie qu’un conseiller expérimenté aura développé et qui lui fait dire « à votre place, je… » ou bien « j’ai eu le même produit et… ». Un chatbot qui parlerait de son expérience de consommateur nous troublerait assurément.
La vraie supériorité potentielle des chatbots sur l’humain vient pourtant d’une qualité humaine, une qualité devenue rare : la patience et le calme, voire l’écoute. Face à la pression, aux incivilités, les conseillers, parfois sans expérience, sont conduits à entrer dans un dialogue émotionnel avec les clients stressés, aboutissant à des performances assez imprévisibles.
Le chatbot, au contraire gardera toujours son calme et, pour les meilleurs, utilisera l’humour. Cette capacité à apaiser la relation, sera de plus en plus appréciée dans notre société.