La rentrée marque pour beaucoup d’entreprises le début de la construction budgétaire annuelle. Exercice souvent perçu comme long, complexe et frustrant (processus rigides, prévisions rapidement obsolètes, myopie calendaire qui enferme dans des comportements contre-productifs…).
Des approches existent pour repenser la pratique budgétaire et optimiser le process. Si elles peuvent aider à transformer un exercice redouté en un levier de performance, il faut bien en appréhender les complexités respectives et travailler les prérequis pour en tirer le meilleur bénéfice.
Beyond Budgeting : Repenser la gestion sans budget fixe
Le Beyond Budgeting propose de rompre avec le modèle traditionnel de gestion budgétaire, en privilégiant une approche plus flexible et décentralisée. Il s’agit de remplacer une planification rigide par des indicateurs de performance (KPI) dynamiques, permettant aux équipes de réagir en temps réel aux fluctuations du marché. L’objectif est de favoriser une culture de la performance collective, axée sur l’agilité plutôt que sur l’adhésion stricte à un budget figé.
Cette méthode a plusieurs avantages. Elle permet de limiter les comportements opportunistes, tels que le « sandbagging » (sous-estimer les prévisions pour mieux surpasser les résultats). Elle permet également d’accélérer la prise de décision et la réactivité face aux changements, en accordant aux managers une plus grande autonomie. Enfin, elle favorise une réduction des coûts, incitant les managers à voir le budget comme une ressource à gérer judicieusement et non comme un droit acquis à dépenser.
En revanche, à ne pas négliger, cette méthode implique un changement profond de la culture organisationnelle et de la gouvernance. Le Beyond Budgeting ne se résume pas à l’abandon du budget annuel ; c’est une approche de la gestion de la performance qui rompt avec les structures hiérarchiques traditionnelles de commande et de contrôle. Il faut être prêt à abandonner des modèles de gouvernance et de pratiques de gestion bien ancrées. Bref conduire une véritable révolution culturelle.
Zero-Based Budgeting (ZBB) : Repartir de zéro
Le Zero-Based Budgeting (ZBB), quant à lui, consiste à repartir de zéro chaque année pour justifier toutes les dépenses en fonction des priorités stratégiques actuelles. Plutôt que d’ajuster le budget N-1, chaque département doit justifier toutes ses dépenses comme si elles étaient nouvelles, en les alignant avec les priorités stratégiques actuelles de l’entreprise.
Cette approche permet d’éviter l’accumulation d’inefficacités au fil des ans. Elle encourage une allocation des ressources plus en phase avec les besoins actuels de l’entreprise. L’entreprise Coca-Cola a par exemple adopté dans les années 2010 cette approche pour mieux justifier ses dépenses marketing et maximiser la valeur des ventes après une baisse de revenus. Cette approche a permis de redéfinir les stratégies marketing par zone géographique, optimisant ainsi la rentabilité sur différents marchés. En allouant aussi plus efficacement les ressources.
Cela reste néanmoins un processus exigeant, qui nécessite une refonte des processus budgétaires, ce qui peut être perturbant pour les équipes habituées à des cycles budgétaires « classiques ».
Rolling Forecast : Prévoir en continu pour s’adapter
Le Rolling Forecast est un outil pour mettre à jour en continu ses prévisions financières, en prolongeant l’horizon de planification chaque mois ou trimestre. Contrairement à un budget statique, le Rolling Forecast offre une vue d’ensemble actualisée en permanence, ce qui permet d’ajuster les plans d’action en fonction des nouvelles actualités et évolution de la conjoncture/ contexte de l’entreprise.
Pour maximiser l’efficacité du Rolling Forecast, plusieurs bonnes pratiques doivent être adoptées :
- Il faut maintenir une régularité avec une fréquence constante et un horizon temporel fixe, permettant une anticipation fiable et l’établissement d’une routine.
- Les KPI doivent être traités de manière différenciée, en priorisant ceux qui sont les plus volatils et en évitant de surcharger les équipes avec des prévisions superflues. La granularité analytique doit également être ajustée afin de minimiser la complexité et d’optimiser les délais de production
- Il est par ailleurs recommandé de limiter les réallocations internes pour se concentrer sur des plans d’action clairs et efficaces
- L’utilisation d’un outil EPM performant est importante également pour gérer les données et les prévisions de manière fluide
En intégrant ces approches modernes dans l’élaboration budgétaire, les entreprises peuvent dépasser les limites des méthodes traditionnelles. Lancer une réflexion sur les pratiques budgétaires à l’occasion de ce nouveau cycle qui commence à la rentrée peut être un point de départ pour transformer l’exercice budgétaire en un véritable atout stratégique pour l’entreprise.
Fazil BOUCHERIT, Directeur Finance & Performance