La sobriété comme stratégie de performance : pourquoi l’IA peut devenir un levier de transformation durable ?

Laurence SUPRANO

Par Laurence Suprano, Présidente du groupe Axys

Entreprises : la sobriété n’est plus une contrainte, mais un levier de performance globale

Depuis plus de dix ans, et de manière encore plus nette depuis la crise du Covid, on observe un changement profond dans la manière dont les grandes entreprises abordent leurs enjeux environnementaux. Les limites planétaires ne sont plus un concept théorique : elles questionnent désormais directement les modèles économiques.

Même si le contexte géopolitique récent et la loi Omnibus ont réduit certaines pressions réglementaires, les organisations – particulièrement industrielles – continuent d’intégrer la RSE comme un véritable levier de performance, et non comme un exercice de conformité. Les entreprises cherchent à concilier compétitivité, résilience et responsabilité.

Dans ce contexte, la sobriété doit être envisagée non pas comme une restriction, mais comme une stratégie d’efficience. À l’heure des tensions sur les ressources et de la transition énergétique, faire mieux avec moins devient un avantage stratégique pour toute entreprise souhaitant rester compétitive.

Sobrétique : concilier sobriété, frugalité et responsabilité

Pour décrire cette approche, j’ai créé un néologisme : la “sobrétique”.
Ce terme associe sobriété, frugalité et responsabilité dans l’usage des technologies.

Pourquoi ce mot ?
Parce qu’une transformation durable exige de concilier trois exigences :

  • emprunter la technologie la plus efficiente,
  • limiter son impact,
  • assurer un usage éthique et responsable.

L’exemple le plus emblématique est celui de l’intelligence artificielle.

IA : une technologie énergivore, mais un vrai levier de sobriété lorsqu’elle est bien utilisée

Oui, l’IA est énergivore. Oui, sa croissance est exponentielle.
À titre d’exemple :

  • ChatGPT dépasse aujourd’hui les 800 millions d’utilisations par semaine,
  • une requête IA consomme 10 fois plus d’énergie qu’une requête sur un moteur de recherche classique.

Cet impact doit être connu, maîtrisé et assumé.

Mais cela ne signifie pas que l’intelligence artificielle ne peut pas contribuer à la sobriété. Au contraire : utilisée avec discernement, l’IA peut devenir un formidable levier de réduction de l’empreinte environnementale.

L’exemple Veolia : quand l’IA génère 10 % d’économies d’énergie

Veolia a déployé une IA pour optimiser l’aération des eaux usées – un processus très énergivore.
Résultat :

  • 10 % de réduction de consommation d’énergie,
  • 6 % d’émissions de CO₂ en moins,
  • et l’IA représente… moins de 1 % des dépenses énergétiques nécessaires au dispositif.

C’est précisément cela, la sobriété intelligente : choisir l’IA seulement quand elle génère un bénéfice environnemental net, tangible et mesurable.

Avant de déployer l’IA, une exigence : mesurer le rapport bénéfices / impacts

Chaque cas d’usage doit être évalué selon une logique de bénéfice global, incluant :

  • le bénéfice économique
  • le bénéfice écologique
  • le bénéfice humain
  • et le bénéfice éthique

Beaucoup d’entreprises mènent aujourd’hui des Proof of Concept (POC) pour tester l’IA avant un déploiement plus large. C’est une étape essentielle : nombre de projets ne passent pas à l’échelle faute de démontrer une valeur réelle.

Nous sommes encore dans une phase d’apprentissage. L’IA générative est une technologie jeune, non mature, et il est crucial d’éduquer les organisations à son usage responsable.

RSE : de la conformité à l’intégration stratégique

Je constate aujourd’hui une évolution majeure : la RSE sort de son rôle périphérique pour devenir un pilier des processus métier.

Certaines entreprises vont jusqu’à fusionner pilotage financier et pilotage extra-financier, créant une vision intégrée de leur performance globale. C’est une avancée structurante : la durabilité devient indissociable de la performance économique.

Et demain : l’économie régénérative ?

Quelques organisations commencent à réfléchir au-delà de la minimisation des impacts, vers la contribution positive et, pour les plus ambitieuses, vers le régénératif, c’est-à-dire la capacité à réparer et restaurer le vivant.
Nous n’y sommes pas encore de manière massive, mais l’ambition progresse.

Loi Omnibus : moins de pression, mais pas moins de transformation

Le recul réglementaire européen a conduit certains clients à ralentir leurs projets CSRD.
Mais pour les organisations déjà engagées, l’enjeu est désormais de capitaliser sur ces fondations pour aller plus loin dans la transition écologique.

La RSE n’est plus seulement une obligation. C’est une opportunité stratégique pour renforcer la performance, l’image et la résilience des entreprises.

Axys, pour une transformation durable, mesurée et responsable

Chez Axys, nous sommes convaincus que la transformation durable repose sur trois piliers :

  • mesurer l’impact réel des technologies,
  • expérimenter progressivement pour évaluer les bénéfices,
  • intégrer la RSE au cœur des décisions stratégiques.

La sobriété n’est plus un frein : c’est la voie la plus sûre vers une performance durable et résiliente, pour les entreprises comme pour la société.

Retrouvez l’interview de Laurence Suprano, Présidente du groupe Axys, dans l’émission Smart Impact sur BSMART

Interviewée par Thomas Hugues, Laurence Suprano est intervenue sur un sujet qui prend une importance croissante dans les entreprises : l’intelligence artificielle peut-elle réellement devenir un levier de sobriété numérique ?

Au cours de cet échange, Laurence Suprano rappelle que la sobriété doit être envisagée comme une stratégie de performance, et non comme une contrainte. Elle y présente également la notion de “sobrétique”, qui combine sobriété, frugalité et responsabilité dans l’usage des technologies.

Chez Axys, nous croyons en l’importance d’une démarche de mesure, d’expérimentation et d’intégration de la RSE au cœur des processus métier pour que ces approches produisent des résultats durables.